La banque de France et l’esclavage

La banque de France et l’esclavage

L’association des amis du général Dumas demande dans une pétition lancée le 3 avril 2016 que le prestigieux hôtel Gaillard, place du général-Catroux à Paris, soit immédiatement affecté à un centre Dumas, maison des noirs de France.

Ce serait la moindre des réparations pour l’esclavage.

La banque de France et l’esclavage ? Même si la banque de France est dans le déni, deux histoires qui se mêlent intimement à l’origine. C’est le moins que l’on puisse dire.

À ses débuts, en 1800, la banque de France est administrée par 15 régents et surveillée par 3 censeurs. Deux censeurs sur 3, et 7 des 15 régents étaient impliqués dans des activités liées à la traite et à l’esclavage.
Quand on sait que l’un des principaux actionnaires de cette banque fut Napoléon Bonaparte, qui vivait des revenus des plantations esclavagistes de son épouse, Josephine Tascher de la Pagerie, veuve Beauharnais, et qui oeuvra, appuyé, voire téléguidé par la banque de France et ses puissants réseaux, à rétablir le code noir en 1802, on peut considérer que la banque de France, fut, à l’origine, un rouage essentiel du lobby esclavagiste français.
Elle s’en cachait si peu qu’elle avait établi son siège à l’hôtel de Massiac, place des Victoires, qui était le quartier général des planteurs esclavagistes. Elle y resta de 1800 jusqu’à son installation à l’hôtel de Toulouse, tout près de là, en 1811.

Voici la liste des régents et censeurs notoires esclavagistes qui fondèrent et administrèrent la banque de France à ses débuts et aidèrent Napoléon à rétablir l’esclavage et la traite.

Alexandre Barrillon (1762-1817)
Régent de la banque de France (14e fauteuil) de 1800 à 1803. Originaire de Bayonne, a fait fortune en Haïti, propriétaire d’esclaves au quartier de Plaisance et à Limbé. Tua autant d’esclaves qu’il put lorsqu’ils se révoltèrent en 1791. Barrillon avait épousé en 1787 Françoise-Marguerite Chassy-Poulet. Barrillon resta lié pendant la Révolution au commerce négrier, associé des frères Chegaray de La Rochelle, ayant des parts sur les bateaux L’Alexandre de Marseille, Le Terrail et Le Pondichéry de Bordeaux.

Louis-Barthélémy Bastide (1768-1821)
Régent de la banque de France (4e fauteuil) 1800-1806
Armateur négrier au Havre, au Sénégal et en Martinique

Jules-Paul-Benjamin Delessert (1773-1847)
Régent de la banque de France (1802-1847)
Delessert était propriétaires de raffineries de sucre de canne, l’une à la Villette et la plus célèbre se trouvant à Passy et fonctionna activement de 1801 à la mort de Delessert (1847). Delessert avait acquis en 1795-1796 deux fermes de 130 et 170 acres et des esclaves dans l’état de New York, (esclavagiste jusqu’en 1817).
Un boulevard du 16e arrondissement porte le nom de Delessert.

Joseph Hugues de Lagarde 1748-1801
Régent de la banque de France (1800-1801)
Possédant une fortune colossale (on a parlé de 18 millions de francs-or), fils unique du plus riche armateur négrier de Marseille, Hugues de Lagarde était négociant esclavagiste et armateur négrier à Marseille.

Bernard Journu (1745-1815)
Censeur (2e siège) de la banque de France (1800-1806)
Journu fut l’un des plus grands armateurs négriers de Bordeaux. Il épousa en 1775 Geneviève Monique Auber, propriétaire d’une plantation esclavagiste à Port-à-Piment (Haïti) et fit de fructueuses affaires à Saint-Domingue.
Journu trafiquait à Bordeaux avec au moins 6 navires négriers signalés connus particulièrement actifs :
L’Auguste 450 tx
La Garonne 600 tx
Le Port de Paix 500 tx
L’Heureux 600 tx
L’Asie 750 tx

Jacques Laffitte (1767-1844)
Régent de la banque de France (1809-1831)
Gouverneur de la banque de France (1814-1820)
Ayant commencé sa carrière chez un négociant négrier de Bayonne, il épousa Marie-Françoise Laeut, fille d’un négociant et capitaine négrier du Havre, ce qui lui permit d’avoir des intérêts à la Guadeloupe.

Jean-Barthélémy Le Couteulx de Canteleu (1746-1818)
Régent de la banque de France (2e fauteuil) de 1800 à 1804
Le Couteulx était l’héritier d’une ancienne et très prospère banque parisienne fortement impliquée dans le commerce négrier.

Guillaume Mallet (1747-1826)
Régent de la banque de France (3e fauteuil) de 1800 à 1827
Il épousa en 1786 Anne-Julie Houel, qui appartenait, par sa mère, née Feray, à une famille d’armateurs négriers du Havre.
Avec plus de 700 actions, Mallet était le plus gros actionnaire de la compagnie des Indes.

Claude-Étienne Martin (1748-1827)
Censeur de la banque de France (3e siège) de 1810 à 1825
Martin appartenait à une influente famille d’armateurs négriers de Marseille réfugiés en Suisse. Lui-même arma au moins deux vaisseaux négriers : La légère Bâloise et Le Paon. Il avait épousé en 1773 Christine Fesquet, appartenant également à une famille d’armateurs négriers marseillais.

Augustin-Charles-Alexandre Ollivier (1772-1831)
Régent de la banque de France (13e fauteuil) de 1800 à 1827
Epousa en 1795 Louise-Denise Eustache, la fille d’un important armateur négrier du Havre, propriétaire esclavagiste à Saint-Domingue (Haïti).
Madame Ollivier perçut, aux termes des accords de 1825, une indemnité de 5739 francs-or, payée par les Haïtiens, en compensation des esclaves dont elle avait été « spoliée ».

Claude Périer (1742-1801)
Régent de la banque de France (5e fauteuil) 1800-1801
À partir de 1787 exploite en commandite la société de négoce esclavagiste Chazel et cie de Marseille. Participe à la fondation de la 2e compagnie des Indes.

Guillaume Sabatier (1730-1808)
Censeur de la banque de France (1er siège) de 1800 à 1803
Riche banquier de Montpellier, figure importante de la traite et l’esclavage durant le XVIIIe siècle, fondateur en 1785, directeur et actionnaire de la 2e compagnie des Indes qui installe ses bureaux à l’hôtel de Massiac.

 

Avec une certaine logique, Claude Ribbe et l’association des Amis du général-Dumas qu’il préside ont demandé, avec le soutien de nombreuses associations, que l’hôtel Gaillard, immeuble de la place du général-Catroux (Paris 17e) appartenant à la banque de France et désaffecté depuis 2006, devienne un lieu de mémoire et d’histoire des Afro-descendants et de l’esclavage.

Ce projet, qui a reçu l’approbation de la ville de Paris et du Premier ministre, Manuel Valls, dépend aujourd’hui de la décision de François Villeroy de Galhau, qui doit prendre ses fonctions de gouverneur de la banque de France en novembre 2015.

Pour aller plus loin :
Romuald Szramkiewicz  Les régents et censeurs de la banque de France nommés sous le Consulat et l’Empire, Genève, Droz, 1974

 

La création de la banque de France : l’intérêt général au service des intérêts privés,
par Henri Guillemin

Une réaction au sujet de « La banque de France et l’esclavage »

  1. La Banque de France, institution financière créée par et pour le système esclavagiste et colonial français, est l’un des premiers débiteurs des Africains et descendants d’Africains dans le processus des réparations du méga-crime multiséculaire.

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