René Maran (1887-1960)

René Maran (1887-1960)

René Maran est né en 1887 sur le bateau à bord duquel ses parents, en poste au Gabon, avaient pris place pour regagner la Guyane et sa naissance a été déclarée à Fort-de-France (Martinique).

Il fut envoyé très jeune en pension à Talence puis au lycée Montaigne de Bordeaux. Il termina un diplôme de droit dans cette ville – tout en commençant à écrire et à envoyer des articles à des revues – et entra, comme son père, dans l’administration des colonies.

Nommé en 1912 administrateur en Oubangui-Chari (république centrafricaine), René Maran publie en 1921 Batouala, véritable roman nègre, qui lui vaut le prix Goncourt, mais qui crée la polémique, l’administration n’ayant pas apprécié le réquisitoire implacable contre le colonialisme contenu dans la préface.

Maran doit donner sa démission. Il s’installe alors à Paris et se consacre à l’écriture.

Maran croisera Césaire et Damas à Clamart chez Paulette Nardal. Mais il n’a jamais souhaité se référer à la notion de négritude qu’il jugeait raciste et de nature à entretenir le racisme.

Injustement oublié celui qui voulait être, selon le titre d’un roman paru en 1947, Un homme pareil aux autres, reste à découvrir.

Faisdnt également oeuvre d’historien, il a conté l’histoire de Salou Casais, l’Africaine de Toulouse, dans Les pionniers de l’Empire.

On lui doit également une biographie de Du Guesclin.

Extrait de la préface de Batouala :

Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents, Rabindranath Tagore, le poète hindou, un jour, à Tokyo, a dit ce que tu étais !

Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. Quoi que tu veuilles, quoi que tu fasses, tu te meus dans le mensonge. À ta vue, les larmes de sourdre et la douleur de crier. Tu es la force qui prime le droit. Tu n’es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce à quoi tu touches, tu le consumes.

Honneur du pays qui m’a tout donné, mes frères de France, écrivains de tous les partis ; vous qui, souvent, disputez d’un rien, et vous déchirez à plaisir, et vous réconciliez tout à coup, chaque fois qu’il s’agit de combattre pour une idée juste et noble, je vous appelle au secours, car j’ai foi en votre générosité. Mon livre n’est pas de polémique. Il vient, par hasard, à son heure. La question « nègre » est actuelle. Mais qui a voulu qu’il en fût ainsi ? Mais les Américains. Mais les campagnes des journaux d’outre-Rhin. […]

Mes frères en esprit, écrivains de France […]. Que votre voix s’élève ! Il faut que vous aidiez ceux qui disent les choses telles qu’elles sont, non pas telles qu’on voudrait qu’elles fussent. Et plus tard, lorsqu’on aura nettoyé les suburres coloniales, je vous peindrai quelques-uns de ces types que j’ai déjà croqués, mais que je conserve, un temps encore, en mes cahiers. Je vous dirai qu’en certaines régions, de malheureux nègres ont été obligés de vendre leurs femmes à un prix variant de vingt-cinq à soixante-quinze francs pièce pour payer leur impôt de capitation. Je vous dirai… Mais, alors, je parlerai en mon nom et non pas au nom d’un autre ; ce seront mes idées que j’exposerai et non pas celles d’un autre. Et, d’avance, des Européens que je viserai, je les sais si lâches que je suis sûr que pas un n’osera me donner le plus léger démenti. Car, la large vie coloniale, si l’on pouvait savoir de quelle quotidienne bassesse elle est faite, on en parlerait moins, on n’en parlerait plus. Elle avilit peu à peu. Rares sont, même parmi les fonctionnaires, les coloniaux qui cultivent leur esprit. Ils n’ont pas la force de résister à l’ambiance. On s’habitue à l’alcool. Avant la guerre, nombreux étaient les Européens capables d’assécher à eux seuls plus de quinze litres de pernod, en l’espace de trente jours. Depuis, hélas ! j’en ai connu un qui a battu tous les records. Quatre-vingts bouteilles de whisky de traite, voilà ce qu’il a pu boire en un mois.

Ces excès et d’autres, ignobles, conduisent ceux qui y excellent à la veulerie la plus abjecte. Cette abjection ne peut qu’inquiéter de la part de ceux qui ont charge de représenter la France. Ce sont eux qui assument la responsabilité des maux dont souffrent, à l’heure actuelle, certaines parties du pays des noirs. C’est que, pour avancer en grade, il fallait qu’ils n’eussent « pas d’histoires ». Hantés de cette idée, ils ont abdiqué toute fierté, ils ont hésité, temporisé, menti et délayé leurs mensonges. Ils n’ont pas voulu voir. Ils n’ont rien voulu entendre. Ils n’ont pas eu le courage de parler. Et à leur anémie intellectuelle l’asthénie morale s’ajoutant, sans un remords, ils ont trompé leur pays.

C’est à redresser tout ce que l’administration désigne sous l’euphémisme d’« errements » que je vous convie. La lutte sera serrée. Vous allez affronter des négriers.

Il vous sera plus dur de lutter contre eux que contre des moulins. Votre, tâche est belle. À l’œuvre donc, et sans plus attendre. La France le veut !

 

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