Charte du Manden

Charte du Manden

La Charte du Manden (également serment des chasseurs, charte du Mandé, charte de Kouroukan Foura ou Donsolu Kalikan) est une déclaration des droits de l’homme de portée universelle, remontant à 1222, attribuée à la confrérie des chasseurs malinkés (une société africaine traditionnelle et initiatique), transmise par la tradition orale et retranscrite au milieu des années 60 par l’anthropologue et historien Youssouf Tata Cissé.

Elle aurait été officiellement proclamée au Mali en 1236, au moment de l’avènement de l’empereur Soundiata Keita, le fondateur de l’empire du Mali (et qui aura comme successeur le célèbre Mansa Moussa).

La Charte du Manden, plusieurs siècles avant la reconnaissance de valeurs aujourd’hui défendues par le monde occidental, affirme de manière universelle le droit à la vie, à la liberté et à l’égalité, et aux réparations en cas d’offense à ces principes. Elle dénonce formellement l’esclavage et la discrimination.

Elle est suffisamment dérangeante – aux yeux de ceux qui cherchent à démontrer l’infériorité intellectuelle et morale de l’Afrique et de sa diaspora et son prétendu attachement traditionnel à l’esclavage- pour que plusieurs scientifiques occidentaux (dont l’historien français néo-conservateur Francis Simonis) aient cherché à en nier l’authenticité.

Pourtant, en 2009, l’UNESCO a inscrit la Charte du Manden au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Le texte de la Charte du Manden

(version transcrite en 1965 par Youssouf Tata Cissé, à partir d’un récit de Fa-Djimba Kanté,)

« Préambule.

Le Manden fut fondé sur l’entente et l’amour, la liberté et la fraternité. Cela signifie qu’il ne saurait y avoir de discrimination ethnique ni raciale au Manden. Tel fut le sens de notre combat. Par conséquent, les enfants de Sanenè et Kòntròn font, à l’adresse des douze parties du monde et au nom du Manden tout entier, la proclamation suivante :

article 1.

Les chasseurs déclarent  :

Toute vie [humaine] est une vie.

Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre vie.

Mais une vie n’est pas plus « ancienne », pus respectable, qu’une autre vie.

De même qu’une vie n’est pas supérieure à une autre vie.

article 2.

Les chasseurs déclarent :

Toute vie étant une vie,

Tout tort causé à une vie exige réparation,

par conséquent,

Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin,

Que nul ne cause du tort à son prochain,

Que nul ne martyrise son semblable.

article 3.

les chasseurs déclarent :

Que chacun veille sur son prochain,

Que chacun vénère ses géniteurs,

Que chacun éduque comme il faut ses enfants,

Que chacun « entretienne » autrement dit pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

article 4.

Les chasseurs déclarent :

Que chacun veille sur le pays de ses pères.

Par pays ou patrie,

Il faut entendre aussi et surtout les hommes;

Car tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface deviendrait aussitôt nostalgique [connaîtrait la tristesses et la désolation].

article 5.

Les chasseurs déclarent :

La faim n’est pas une bonne chose;

L’esclavage n’est pas une bonne chose;

Il n’y a pas pire calamité que ces choses-là

Dans ce bas-monde.

Tant que nous détiendrons le carquois et l’arc,

La faim ne tuera plus personne au Manden,

Si d’aventure la famine venait à sévir;

La guerre ne détruira plus jamais de village au Manden

Pour y prélever des esclaves;

C’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche

de son semblable

Pour aller le vendre,

Personne ne sera non plus battu,

A fortiori mis à mort,

parce qu’il est fils d’esclave.

article 6.

Les chasseurs déclarent :

L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour,

« d’un mur à l’autre » du Manden;

La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden;

Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.

Quelle épreuve que le tourment !

Surtout lorsque l’opprimé ne dispose d’aucun recours.

Quelle déchéance que l’esclavage !

L’esclave ne jouit d’aucune considération,

Nulle part dans le monde.

article 7.

les gens d’autrefois nous disent :

L’homme en tant qu’individu,

Fait d’os et de chair,

De moelle et de nerfs

De peau et de poils qui la recouvrent,

Se nourrit d’aliments et de boissons;

Mais son « âme », son esprit vit de trois choses :

Voir qui il a envie de voir,

Dire ce qu’il a envie de dire,

Et faire ce qu’il a envie de faire;

Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme,

Elle en souffrirait,

Et s’étiolerait sûrement.

En conséquence, les chasseurs déclarent :

Chacun dispose désormais de sa personne,

Chacun est libre de ses actes,

Dans le respect des « interdits », des lois de la Patrie,

Tel est le serment du Manden,

À l’adresse des oreilles du monde entier.  »

 

 

 

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