Victor Schoelcher (1804-1893)

Victor Schoelcher (1804-1893)

Victor Schoelcher, d’origine alsacienne, est né à Paris en 1804 dans une famille bourgeoise qui était propriétaire d’une fabrique de porcelaine.

Autodidacte, Schoelcher a l’occasion d’effectuer un voyage en 1828-1830 où il découvre l’esclavage, notamment aux États-Unis et à Cuba.

Schoelcher, en 1830, acquis à la cause des planteurs, s’oppose à l’abandon de la peine du fouet  sans lequel « les maîtres ne pourraient plus faire travailler dans les plantations ».

Au même moment, il refuse l’abolition de l’esclavage car il ne voit pas « la nécessité d’infester la société active (déjà assez mauvaise) de plusieurs milliers de brutes décorées du titre de citoyen. »

La position de Schoelcher évolue à la suite d’un second voyage.

Nommé sous-secrétaire d’État aux Colonies dans le gouvernement provisoire de 1848, il contribue à faire adopter l’abolition immédiate de l’esclavage qui, vu la situation de résistance des esclaves aux colonies, et l’abolition déjà intervenue dans les colonies anglaises en 1833, est alors inévitable.

S’il est systématiquement invoqué par certains politiques comme le « libérateur » des esclaves, Schoelcher est loin d’être le seul à avoir milité pour l’abolition.

Le Martiniquais Cyrille Bissette, qui allait devenir son rival en politique, luttait dès 1823 pour l’abolition immédiate (sur le conflit Schoelcher-Bissette, voir Claude Ribbe Une Autre Histoire, Paris, 2016, p. 113).

Bissette, condamné en Martinique et marqué au fer rouge, avait été transféré au bagne de Brest avant de voir sa peine commuée en bannissement des colonies. Il s’était installé à Paris.

L’origine de la querelle entre les deux hommes, tous deux francs-maçons, vient des propos publiés par Schoelcher dans son ouvrage Des colonies françaises en 1842 et marqués par le préjugé de « race » à propos des « gens de couleur » :

« Presque tous sans famille, fruits du concubinage ou de la débauche, plus ou moins abandonnés de leurs parents, […] nécessairement infestés des vices du pays, [ils] se refusent à travailler la terre parce que c’est un travail d’esclave. […] De là l’oisiveté qui dévore et avilit cette race, […] sa médiocrité, ses moyens d’existence toujours problématiques, son inutilité, ses moeurs répréhensibles ».

Quant aux « femmes de couleur », pour lui, « elles vivent toutes en concubinage ou dans la dissolution, parmi lesquelles les blancs viennent chercher leurs maîtresses comme dans un bazar […] Elle contribuent […] à entretenir l’abaissement de la classe qu’elles déshonorent […] Les hommages de la caste privilégiées les flattent et elles aiment mieux se livrer à un blanc, vieux, sans mérite et sans qualité, que d’épouser un sang-mêlé […] Aux femmes libres, qui n’ont pas un esclave pour les faire vivre de leur labeur, il ne leur reste véritablement […] n’hésitons pas à le dire […] il ne leur reste véritablement que la prostitution. »

En 1848, Schoelcher fait tout pour ruiner la carrière politique de Bissette. Il lui interdit de faire partie de la commission d’abolition dont il était le président et fait invalider sa candidature à l’élection législative en Martinique.

Le conflit, particulièrement vif, occasionne même un duel contre Perrinon, partisan de Schoelcher, que ce dernier envoie en Martinique en 1848, avec le titre de commissaire général.

Perrinon, pour le compte de Schoelcher, avait démontré dès 1844 dans l’une de ses propriétés de Saint-Martin, transformée en centre expérimental,  que l’esclavage n’était plus rentable.

C’est Schoelcher et Perrinon qui ont eu l’idée de stigmatiser les « nouveaux libres » en leur attribuant des patronymes qui se distinguent de ceux des blancs « par un système de noms variés à l’infini par interversion des lettres de certains mots pris au hasard. »

Beaucoup d’affranchis ont eu de ce fait non seulement des patronymes bizarres, mais souvent, par vengeance de leurs anciens maîtres, des patronymes odieux qui, encore portés au XXIe siècle, occasionnent de très nombreuses demandes de changements de nom de la part des descendants des affranchis de 1848.

Le décret d’abolition de 1848, que Schoelcher fait adopter, est assorti d’une substantielle indemnité pour les colons, pas pour les esclaves.

Il est à noter que la déchéance de nationalité, censée frapper les Français possesseurs d’esclaves dans les colonies françaises, ne s’est jamais appliquée à ceux qui en détenaient dans d’autres colonies (Louisiane, Cuba, Brésil).

En 1848, Schoelcher est député de la Martinique, mais écrasé en 1849 par Bissette, il doit aller se faire élire en 1850 à la Guadeloupe, contre Alexandre Dumas qui soutenait Bissette (15 000 voix contre 3000).

Proscrit en 1851 par le prince Napoléon, Schoelcher s’exile en Angleterre et, changeant complètement de registre, il s’improvise musicologue et travaille sur le musicien Haendel dont il rassemble les partitions. Il lui consacre une biographie.

Revenu en France, il est réélu député par les Martiniquais en 1871, puis sénateur en 1875 et jusqu’à sa mort en 1893.  Il sera l’un des plus fermes partisans de la colonisation prônée par Jules Ferry, au nom du droit des « races supérieures ».

En 1889, la municipalité de Case-Navire (Martinique) est rebaptisée Schoelcher.

Schoelcher est entré au Panthéon en 1949, en même temps que Félix Éboué.

C’est Gaston Monnerville, alors président du Sénat, qui avait voulu qu’Eboué soit admis au Panthéon. Le président Vincent Auriol imposa que Schoelcher y entre aussi et en même temps. Victor Schoelcher fut reçu avec son père, Marc Schelcher, auprès duquel il avait émis le vœu d’être enterré.

L’arrière petit-neveu de Schoelcher, Dominique Schelcher, depuis 2018, est le président du groupe de grande distribution Système U (Super U).

Le 22 mai 2020, jour de l’abolition de l’esclavage en Martinique, les deux statues de Schoelcher, l’une à Fort-de-France par Anatole Marquet de Vasselot (1904) et l’autre à Schoelcher, par Marie-Thérèse Lung-Fou (1965)  ont été abattues en plein jour par de jeunes activistes.

Une autre statue de Victor Schoelcher, par Louis-Ernest Barrias (1896) se trouve à Cayenne, en Guyane.

2 réactions au sujet de « Victor Schoelcher (1804-1893) »

  1. Les propos tenus par Schoelcher en 1842 ,mentionnés cidessus ne tiennent pas, car comment peut faire une reflexion pareille dans une société encore asservie ?

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